Mes coups de coeur sur le spectacle vivant: théâtre classique, contemporain, cirque, marionnettes, musical, pour les grands et pour les enfants !
Membre de l'Association professionnelle de la critique, Théâtre, Musique et Danse
Freud est à Rome, nous sommes en 1923 et Mussolini règne en maitre. Le psychanalyste
demande à ne pas être dérangé avant 11h
du matin, sa fille doit le rejoindre.
Voilà Marie la femme de chambre qui entre, sourire aux lèvres, elle
est charmante et émerveillée par cet illustre personnage, elle le
prend pour un hypnotiseur de cirque, c’est sa mère qui le lui avait dit quand
elle était petite fille !
Freud furieux d’être réveillé, va s’apprivoiser et avoir avec la
jeune femme une « séance » plus ou moins de psychanalyse, ils vont se
confier leurs secrets, leurs émois.
François Berléand et Nassima Benchicou sont de très bons interprètes,
mais pour moi la magie n’a pas vraiment opérée, la mise en scène d’Alain Sachs
n’est pas en cause, ni le beau décor de Catherine Bluwal.
Anne Delaleu
13 février 2024
Théâtre Montparnasse
Collaboration Artistique Corinne Jahier Décor Catherine Bluwal Costumes Jean-Daniel Vuillermoz Lumières Laurent Béal assisté de Muriel Sachs Musique Patrice Peyrieras
Avec Sam Karmann - Franck Desmedt - Katia Ghanty - Maxime De Toledo
1938, à Vienne, le docteur Freud est déjà malade, (il mourra l’année suivante d’un cancer de la mâchoire). Sa fille Anna le supplie de signer le document qui leur permettra de fuir l’Autriche envahie par les nazis. Il ne souhaite pas partir, il ne veut pas imaginer le pire.
Un officier de la gestapo entre dans l’appartement, il fouille, méprise absolument le docteur Freud, prend ses aises, Anna sort de ses gonds et l’insulte, il la fait emmener pour l’interroger. Freud désemparé tentera de la sauver en téléphonant à ses relations.
Il s’assoie et veut prendre le document qu’il devrait signer, mais voici que le papier s’envole, Freud le récupère, et un homme entre par la fenêtre, il a l’air plutôt sympathique, élégant, Freud est interloqué, comment est-il entré, que veut-il ? de l’argent ?
Non, le personnage s’installe, il n’a pas l’air dangereux, commence alors entre les deux hommes une étrange conversation, Freud par habitude, invite l’homme à s’allonger sur le divan et l’interroge. Il est stupéfait par ce que lui révèle ce curieux personnage, il lui raconte un épisode de son enfance, comment peut-il être au courant ?
Ce visiteur intrigue, est-il comme il laisse prétendre, Dieu le Père, cela tombe bien Freud est athée et il ne va pas mâcher ses mots, mais sa priorité, c’est Anna, l’homme le rassure, elle reviendra bientôt. Ils sont dérangés dans leur conversation, par le nazi qui recherche un homme qui vient de s’échapper de l’asile...
C’est un texte brillant et intéressant, il donne libre cours à notre imagination, quelle que soit notre croyance, ce qui est important c’est le doute qui s’installe chez Freud, chez nous aussi. Sam Karmann est un Freud trés convaincant et émouvant, Franck Desmedt a de l’humour à revendre, Katia Ghanty est une Anna survoltée, et le rôle le plus ingrat mais intéressant revient à Maxime De Toledo qui campe le nazi qui finira par douter aussi !
Une mise en scène intelligente et percutante de Johanna Boyé.
Avec Hélène Degy, Raphaëline Goupilleau, Pierre Hélie, Brice Hilleret, Etienne Launay, Bernard Malaka
C’est jour de fête, le troisième mariage d’Esther ! sa mère Nelly est ravie, elle danse sur “J’attendrai” version Dalida, c’est une chanson qui a marqué la génération de la seconde guerre mondiale, Rina Ketty l’a créée en 1938 et le thème touchait au coeur de tous ceux qui attendaient un proche, des retrouvailles.
Une famille où l’on rit beaucoup mais qui traîne ses secrets, où se trouve la tombe de la grand-mère, pourquoi Nellyne veut pas en parler. Elle doit déjà s’occuper de son grand fils Hervé un peu “dérangé” gentiment insupportable !
Au cours d’une émission de télévision, Esther doit présenter son dernier ouvrage sur les bordels dans les camps de concentration, elle a un malaise, se retrouve à l’hôpital, ses jambes ne la portent plus…
Que s’est-il passé, quels sont ses ombres qui défilent ? Pourquoi de génération en génération les maux physiques se répètent ?
Salomé Villiers signe une mise en scène prenante, astucieuse, l’humour ne fait pas défaut. Et quelle distribution extraordinaire, on les aime tous !
J’ai commencé il y a bien longtemps ma généalogie, pas finie bien sûr, mais la psychogénéalogie m’a toujours intéressée et je n’ai pas osé sauter le pas…
Mais je vous conseille vivement ce spectacle, on rit, on pleure, c’est la vie qui continue !
Mise en scène Gil Galliot assisté de Marie-Céline Nivière
Notre psy tout de noir vêtue, salue et remercie les personnes venues à l’enterrement de sa mère, c’était un drôle de personnage la maman, une vie sexuelle bien remplie, elle est d’ailleurs contente de voir ses “ex” à son enterrement, parce que oui, maman continue à parler de là-haut, et donne ses conseils et surtout ses reproches à sa psy de fille !
Pas facile après ça, de reprendre le chemin du cabinet où l’attend son fidèle fauteuil orange.
Ses enfants ont grandi, elle doit garder les petits-enfants que ça lui plaise ou pas, et c’est avec stupeur, qu’elle apprend que la nouvelle compagne de son mari, garde aussi les gamins ! Ah les ex tout un poème...
Les patients se succèdent sur le divan, la catholique qui se pose de drôles de questions, la petite fille qui s’embrouille dans son dessin d’arbre “généralogique”, bien compliqué en effet, la désabusée, la compliquée et les autres, tout un panel, que notre chère psy commence à ne plus supporter, même ses anciennes patientes reviennent la voir, c’est trop ! Mais un déclic et surtout un patient vont la faire réagir !
Josiane Pinson avec le talent qu’on lui connaît incarne tous les personnages, avec une facilité déconcertante, et sous l’oeil bienveillant de Gil Galliot. C’est drôle, subtil, on s’amuse beaucoup !
Le docteur Pinson consulte jusqu’au 25 avril tous les samedis à 17h, n’hésitez pas !
site du théâtre ICI
vendredi, samedi 19h dimanche 15h
durée 1h10
jusqu'au 23 février 2020
Belvedere
Ana-Maria Bamberger
Mise en scène Catherine Mahieu
Avec Joël Grimaud (Stéphane), Catherine Mahieu (Antonia), François Rivière (le docteur)
Antonia écrit des pièces, des romans, pour l’instant elle est plongée dans ses mots croisés. ça fait fonctionner les neurones, de plus, les définitions sont axées sur le théâtre russe, Tchekhov en particulier ! Elle cherche, mordille son crayon, trouve les solutions.
Tiens, voici le jeune docteur qui vient la voir, oui, Antonia est “résidente” dans un asile psychiatrique, comment en est-elle arrivée là ?
Elle a un sacré tonus Antonia, et le docteur Lesourd (mais oui !) a bien du mal à canaliser cette énergie, elle l’envoie promener, elle ronge son frein, lui ses ongles, c’est une vilaine manie, mais elle est bien crispante Antonia !
Lesourd lui donne des comprimés pour la calmer, ou l’empoisonner, c’est ce qu’elle pense, elle réfléchit trop d’ailleurs !
Et puis voilà que surgit dans son univers, un homme tout droit sorti d’un roman de Tchekhov, tout de blanc vêtu, une rose rouge à la main… un ange ?
Elle n’a pas peur mais ne se souvient pas de lui, il est un peu dépité, il a été amoureux d’elle, ils ont suivi le même cursus à l’hôpital, elle a vite abandonné la médecine pour les Lettres, tiens un point commun avec Tchekhov ! Elle finit par rabrouer Stéphane, il est un peu surpris, lui si doux, si gentil avec elle. Mais elle lui permet de revenir…
Antonia est-elle paranoïaque, démente ou bien est-elle tout simplement dans cet établissement pour écrire une nouvelle pièce ?
Après “Cambriolage”, j’ai été agréablement surprise par “Belvédère”, il y a quelques énigmes, des clés, on peut imaginer ce que l’on veut, à nous de broder l’histoire.
Catherine Mahieu qui signe la mise en scène, est une Antonia fougueuse, énigmatique, drôle, les hommes n’ont qu’à bien se tenir, Joël Grimaud est le gentil Stéphane, il parvient quand-même à tenir debout devant la tornade Antonia, François Rivière affronte vaillamment les vannes et autres “délicatesses” de la dame ! Les comédiens servent brillamment un texte poétique, drôle. Un bon moment de théâtre à déguster.
Site du théâtre ICI durée 1h40 du dimanche au mercredi 21h
Jusqu'au 31 décembre 2019
G.R.A.I.N.
Histoire de fous
Écrit et joué par Marie-Magdeleine
co-écrit et mis en scène Julien Marot
Marie-Magdeleine, (un joli prénom de théâtre !) est invitée par Sophie pour animer un stage de théâtre dans une association de personnes en souffrance “bipolaires” dénommée le G.R.A.I.N. (Groupe de Réhabilitation Après un Internement ou n’Importe)...
Pas facile de faire connaissance et d’intéresser Françoise (assez flippante), Laurence toujours sur la défensive, Philippe qui crâne sur son scooter et cherche l’amour, Patrick un bon vivant qui sort des énormités avé l’assent du sud, Christian un peu “précieux”, et Jérémy assistant de Sophie. En plus, lors de son arrivée, la jeune femme apprend qu’il y a eu un drame.
Pour donner un semblant d’humanité, on a accroché les portraits de personnages célèbres, bipolaires, ainsi Schumann, Marilyn, Van Gogh, qui ne rassurent pas plus les occupants ! et l’association a aussi son journal “biponews”, bref tout va bien !
Marie-Magdeleine est bien obligée de composer avec ces drôles de personnages, ils ont un “grain de folie”, certains ont un humour bien à eux. On suit leur histoire, leur parcours, elle les accompagne à l’église pour le dernier hommage à Caroline, d’ailleurs Françoise et Laurence ont préparé une version de “Vole vole” de Céline Dion, mais ils ne sont pas au bout de leur surprise !
Marie-Magdeleine interprète avec brio et humour tous les personnages, et dénonce sans en avoir l’air, les dérives des laboratoires pharmaceutiques.
On rit, on sourit, c’est parfois un peu répétitif mais on passe un bon moment, un spectacle drôle et qui fait réfléchir.
Du jeudi 6 septembre 2018 au samedi 19 janvier 2019 Jeudi, vendredi et samedi à 19h30 - durée 1h15 Site du théâtre ICI Photos Philippe Escalier
Les mots pour le dire
D’après le roman de Marie Cardinal
Adaptation Jade Lanza
Mise en scène :
Fréderic Sousterelle
Avec Jade Lanza et Françoise
Armelle et les voix off de Daniel Mesguich, Grégory Laisné,
Mélanie Paillié et Frédéric Souterelle
Spectacle-cri, d'une
sincérité violente, sans concession, ce récit ne ressemble à aucun autre.
Au fil des séances de
psychanalyse, nous suivons le chemin de vie de Marie, enfant, adolescente,
jeune femme exsangue, somatisant ses angoisses : la tuberculose qui fera
mourir sa sœur. Lorsque sa mère caresse la tombe de sa fille de onze mois
qu’elle a perdue, la petite Marie sait que sa sœur est plus importante qu’elle
: «J’aurais aimé être la pierre, et par extension, être morte» le divorce des
parents, les enveloppes de la pension qu’elle doit réclamer à son père, la mort
de ce dernier, les traumatismes de la
sexualité infantile, son éducation par une mère tyrannique et froide, et par-dessus
tout, l'ultime souvenir arraché aux ténèbres du refoulement, cet aveu d'une
mère, qui ne l’a pas désirée et qui est peut-être à l'origine de tout le mal.
Au terme de son récit, elle
s'apercevra qu'elle est délivrée de ses angoisses et qu'elle peut recommencer à
vivre. Et « Quelques jours plus
tard, c'était mai 68."
L'adaptation du roman de
Marie Cardinal «Les mots pour le dire » (1975) est très réussie. Nous
pouvons mesurer, à quel point il reste un grand livre, sur la douleur physique
et le combat contre le mal de vivre. Marie Cardinal raconte les sept années de psychanalyses, trois fois par semaine, qui lui
ont évité le suicide.
La mise en scène reste cependant
légère, et les comédiennes, excellentes, servent ce texte fort, au travers d’un
jeu subtil et d’une diction remarquable. Le psychanalyste quant à lui, est
présent dans la voix off de Daniel
Mesguich.
J’étais curieuse d’entendre
ce texte qui a marqué toute une génération de femmes, ma génération, et a contribué
à libérer la parole des femmes, à faire tomber les peurs.
J’ai retrouvé l’émotion, la
force de l’écriture de Marie Cardinal, et son actualité, tant il y a encore de paroles et de peurs de
femmes à délivrer.