Didier SANDRE : Stefan Zweig
Christiane COHENDY : Pauline Strauss
Stéphanie PASQUET : Charlotte Altmann
Décors Agostino Pace
Ronald Harwood signe là encore une très bonne pièce,
dont le sujet « collaboration et art »
lui tient à cœur, après « A torts et a
raison » qui relate le procès contre Willem Furtwängler et « l’Habilleur » qui
se déroule pendant la seconde guerre dans une petite ville de Grande Bretagne.
Il a écrit nombre de scenarii dont «le pianiste » de Roman Polanski.
L’art doit-il faire l’impasse sur la politique ? Peut-on
ignorer ce qui se passe autour de nous ?
Le titre est à double sens, collaboration entre deux immenses artistes
allemands, collaboration avec le pouvoir en place.
Le musicien cherche désespérément un sujet d’opéra et
surtout un librettiste, après le décès de Hofmannsthal qui lui avait écrit
"Elektra", "le Chevalier à la rose", et tant d’autres. Son
épouse Pauline, ancienne soprano, qu’il a épousée en 1894, l’engage à joindre
Stephan Zweig pour travailler avec lui, elle est très admirative des écrits de
celui-ci.
La rencontre de Richard Strauss et Stefan Zweig est
chaleureuse, les deux artistes se vouant l’un à l’autre une profonde
admiration. Zweig propose un livret d’après une nouvelle de Ben Johnson « La
femme silencieuse ». Strauss est très
enthousiaste, mais Zweig doit finir avant tout son livre sur « Marie-Antoinette
» ce qui retarde un peu la production de l’opéra au grand dam du musicien.
Zweig est tourmenté et à raison par le régime nazi en place,
dont se soucie peu Strauss, lui ne vit que par l’art et pour l’art et comprend
mal ou s’agace des terreurs de son ami. Malheureusement, Goebbels «proposera
», en fait ordonnera à Strauss de devenir
Président de la Reichsmusikkhammer en 1935. La belle-fille de Strauss est juive
ses petits-enfants également, Il n’a pas d’autre issue que de prendre parti
tout en pensant, naïvement qu’il pourra contrôler les dérives du gouvernement
en matière d’art et surtout protéger sa famille.
La première de la « femme silencieuse » se déroulera en
présence du Führer accompagné de Goebbels ! Zweig est indigné et annonce à
Strauss qu’il n’y assistera pas, celui-ci ne comprend pas sa réaction. Le jour
de la représentation, le Directeur annonce à Strauss que malheureusement
l’avion d’Hitler ne peut pas décoller à cause des intempéries… Pauline Strauss
est soulagée et le musicien aussi, celui-ci fera acte de résistance en
découvrant que sur les affiches de son opéra, le nom du juif Zweig n’est pas
mentionné. Strauss entre dans une colère monstre et déclare au Directeur qu’il
n’assistera pas à la représentation si un bandeau n’est pas rajouté sur les
affiches avec le nom de son ami ! Le directeur s’incline, il perdra sa place.
Le triomphe est tel que Strauss téléphone à Stephan pour lui
raconter le délire et l’enthousiasme des spectateurs, il est heureux. Zweig est
anéanti par l’attitude irresponsable de Strauss… Malgré le succès de l’œuvre,
celle-ci sera retirée à la demande d’Hitler.
La dernière scène est le procès en « dénazification » de
Strauss, très affaibli celui-ci tente de se justifier comme il peut, il pleure
la mort de son ami qui a préféré le suicide avec sa compagne au Brésil en 1942.
Michel Aumont donne une dimension humaine à son personnage,
son côté bougon et ses échanges avec Christiane Cohendy sa soprano d’épouse
apporte un peu de légèreté.
Didier Sandre est parfait dans son rôle d’écrivain
tourmenté, d’humaniste meurtri par la folie des hommes.
Tous les comédiens sont excellents, Stéphanie Pasquet, Eric
Verdin, Patrick Fayet et Sebastien Rognoni aidés par la mise en scène de
Georges Werler et les décors de Pace.
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