vendredi 6 novembre 2009

Allah n'est pas obligé - Lucernaire


Allah n’est pas obligé

d’après Ahmadou Kourouma librement adapté par Éloïse Brezault et Laurent Maurel Mise en scène : Laurent Maurel 
Caroline Filipek, Vanessa Bettane en alternance avec Tatiana Werner.


« Allah n’est pas obligé ». De quoi sommes-nous immédiatement tentés de nous interroger. « De ne pas nourrir toutes les bouches qu’Il a créées » nous répond Birahima, un enfant soldat ivoirien dont on suivra le périple cauchemardesque de la Côte d’Ivoire au Liberia en passant par Sierra Leone ravagé par la guerre.

Adaptée sous forme de tableaux, l’œuvre de Ahmadou Kourouma ne nous épargne rien des atrocités et de l’absurdité de cette guerre vue par un enfant  et vécu comme un jeu où le seul moyen de survivre est de tuer.

Confier à deux comédiennes blanches tout de noir vêtu, trentenaires le rôle de Birahima mais de tout ceux qui croisent son chemin relevait réellement de la gageure dont Laurent Maurel a remarquablement exploité toutes les ressources.

La prestation des comédiennes est époustouflante. Leur voix allant du cri au chuchotement ponctués de mélopées, leur marche au pas militaire interrompue de transe ou de ronde enfantine restituent la survie de Birahima macabre et ludique dont les règles sont dictées par les militaires, les généraux, les colonels.

Pour tout décor en toile de fond, la conception vidéo représente l’Afrique dans le partage de sa géographie, ses symboles, l’ombre de ses sorciers, sa sauvagerie au service d’un éclairage magique.

Il semble que le parti pris de cette conception théâtrale demeure le seul à pouvoir évoquer les horreurs d’une guerre ayant déjà fait plus de 300 000 morts et dont autant d’enfants sont encore enrôlés dans l’innommable activité de small soldier.

Un spectacle envoutant d’où l’on sort bouleversé, édifié, sans voix.


Lucernaire jusqu’au 3 janvier 2010
Du mardi au samedi à 18h30 et les dimanches à 17h


vendredi 5 juin 2009

Les îles Kerguelen - théâtre de la Tempête


LES ÎLES KERGUELEN
 Cartoucherie - La Tempête

COMÉDIE DRAMATIQUE d'Alexis Ragougneau,
mise en scène de Frédéric Ozie,
avec Emilie Patry, Antoine Cholet, Franck Clément, Benoît Costa, Frédéric Jessua, Aurélien Osinski et XavierValoteau.


Un roi vieillissant et surtout malade nous accueille, il tient entre ses mains un globe, il est heureux, un de ses officiers Yves Joseph de Kerguelen de Trémarec a découvert l’Australasie, au nez et à la barbe des anglais ! C’est une terre fertile, riche, enfin c’est ce qu’il croit… hélas toute la Cour en est persuadée …

Le thème de la pièce est multiple, manipulation, course à la gloire.
Il y a pourrissement  du navire royal et pourrissement du roi à Versailles. Il y a impuissance également au sens propre et figuré. Cruauté et jouissance du naturaliste Brugnières. Les officiers peu à peu perdront leur dignité et leurs repéres.

Les acteurs sont excellents, la mise en scène inventive, le texte est fort, la dualité, les surexpositions ne facilitent pas la compréhension. On a l’impression que tout le monde parle en même temps.

L’auteur s’est très bien documenté sur le personnage, l’époque et les lieux.

Le vagabond des mers, Le Boisguehennec  abandonné dans la première expédition au cours d’une tempête relance l’action, il sait lui que le continent austral n’est qu’une île montagneuse et désertique, peuplé de pingoins. Rentré à Versailles il clamera la vérité. Kerguelen embarquera pourtant à Brest, il emmène en secret une jeune femme, Louison. Celle-ci démasquée attire toutes les convoitises.

De retour en France, Kerguelen est traduit en conseil de guerre et condamné à six ans de forteresse et à la radiation de l'état des officiers du roi. Il est libéré en 1778, réintègre la Marine. Il se rallie à la Révolution, il est fait contre-amiral. Arrêté en 1794, il est libéré, retrouve son grade et participe à la bataille de Groix le 16 juin 1795. Il est mis à la retraite en 1796. Kerguelen meurt l'année suivante, à Paris, à l’âge de 63 ans.

dimanche 8 mars 2009

Nous sommes une femme - Petit théâtre des variétés



NOUS SOMMES UNE FEMME
De Charlotte Matzneff et Jean-Philippe Daguerre

 Mise en scène JP Daguerre

Séverine Delbosse
Charlotte Matzneff
Thierry Batteux


Quand Internet et le hasard s’en mêle (emmêle) !

Avec des prénoms unisexes, l’ambigüité est au rendez-vous de cette comédie pleine de surprises.

Au lever du rideau rouge, Claude, pensive, aiguise ses couteaux… elle est vêtue de noir, son appartement est également dans les tons noirs et gris. Elle attend un invité, la table est mise, le chandelier éclaire la scène. On sonne à la porte et apparaît Sacha, une jeune femme blonde pétillante mais pas « le » Sacha qu’elle attendait. Sacha n’est pas bien compliquée, quoique… elle pense que Claude porte le même prénom que l’homme avec qui elle croit avoir rendez -vous également !

Claude manifestement est très déçue, Sacha est un prénom masculin ! Mais non, c’est le diminutif d’Alexandra également ! Alexandra/Sacha décrète que l’annonce de Claude était mal rédigée, « Claude J.F. »  - elle pensait que c’était un second prénom - « Jean-François, par exemple » ! Claude est un peu agacée de cette perte de temps avec cette blondinette, future star de la télé. Mais pour éviter la solitude elle l’a convainc de rester dîner. Elle aime bien aussi lui faire peur… lui faire croire que… Leur seul point commun : Internet. Claude est une habituée, pour Sacha c’était une première.

La seule chose qui relie Sacha à l’extérieur, c’est son portable, avec au bout sa maman qui appelle, pour le magnétoscope, l’internet, comment se passe la soirée…

On ressent une ambiance spéciale, un peu « gothique » avec des sous-entendus de Claude qui  ne rassurent guère notre Sacha. On ne sait pas trop comment cela va tourner. Et puis tout ça c’est la faute à la solitude, on croit rencontrer des foules d’amis, parce qu’on se branche sur Internet, on est quand même seul(e) devant l’écran de l’ordinateur ou de la télé.

Claude préfère encore la compagnie de Sacha à ses souvenirs enfouis dans le placard du fond… que peut-elle bien y cacher d’ailleurs ? On sonne à nouveau et voici Camille… Enfin un homme ! Par contre il s’est trompé de jour. Sacha profite de l’aubaine, pour lui faire les honneurs de la soirée et cette présence la rassure.

Camille est un ancien chanteur/magicien, et grâce à lui, la soirée tourne à la fête. Rires, chansons, tours de magie, on voit une Sacha déchaînée et éméchée qui enchaîne les bons mots, les lapsus et surtout ses impayables imitations de la petite souris ou du brontosaure !

On passe un très bon moment festif, drôle, parfois inquiétant, les comédiens sont excellents, les tours de chant et de magie allègent l’ambiance complexe de l’histoire, de Claude et ses « corbeaux », l’abatage de Sacha est une bouffée d’air frais.

La fin de l’histoire… je ne vous raconte pas il faut y aller !

jeudi 5 mars 2009

L'alpenage de KNOBST - Horwitz - Théâtre 14


L’ALPENAGE DE KNOBST
Jean-Loup Horwitz http://www.spectacles.fr/artiste/jean-loup-horwitz
Théâtre 14
Mise en scène : Xavier Lemaire
Décors et costumes Caroline Mexme
Lumière François-Eric Valentin

Avec Laurence Breheret, Benjamin Brenière, Jacques Brunet, Xavier Lemaire, Guy  Moign, Katia Tchenko, Letti Laubiès.

C’est une très amusante comédie que je vous conseille d’aller voir si elle passe en tournée près de chez vous. Une découverte très originale.

Sur la scène, une salle de théâtre bien abîmée… entre un couple de retraités, elle toute pimpante et ravie de sortir, lui, est bien obligé de suivre ! Ils sont très en avance, mais il fallait bien trouver une place pour se garer dans ce quartier pourri !

L’ouvreuse les installe, mais le fauteuil de la dame lui cause bien du souci, les fauteuils sont aussi dégradés que le théâtre, et un vilain ressort vrille le fondement de Madame ! Son mari excédé, lui cède son fauteuil. En attendant, ce rideau ne se lève toujours pas, lui en a plus qu’assez de ces pièces contemporaines où le traîne sa femme.

Un autre couple, plus jeune, lui est comédien et le fait bien savoir dès qu’ils entrent. Il blague avec l’ouvreuse, il a des invitations, c’est l’ami d’un des comédiens du spectacle. Sa femme, s’oblige à le suivre, mais elle travaille tôt le matin elle est infirmière et le monde du spectacle ne la tente pas plus que ça ! Mais le spectacle ne commence toujours pas. Tout le monde s’énerve, en plus le fiancé de l’ouvreuse provoque tout ce petit monde, il fume dans la salle, il s’assied n’importe comment.

Pendant ce temps, le théâtre craquelle, se fissure peu à peu, le 1er balcon s’effondrera, ils ne peuvent plus sortir ! Le fiancé part chercher du secours, on retrouve son cadavre quelques temps après…. L’ouvreuse finit par avouer que l’était de délabrement est tel, qu’un comédien a disparu au travers du plancher et qu’on ne l’a plus revu…

S’ensuit quelques scènes délirantes, drôles, alambiquées, on se demande quand même comment tout cela va se terminer.

Et puis l’auteur-directeur apparaît, il est content de lui, tout s’imbrique comme il le souhaite…

Il y a des vérités sur la culture, le public, sur la vie, tout le monde se reconnaît ou connaît une situation similaire. On a un peu le frisson quand on les entend dire que les gens n’aiment plus guère réfléchir et qu’ils consomment n’importe quoi.